Une lettre ouverte aux prêtres et paladins du Diocèses de Hurlevent

Mes frères, mes sœurs.

J’aimerais un jour vous écrire pour vous donner de bonnes nouvelles, et pourtant, la période et les événements ne s’y prêtent pas, alors, pardonnez-moi d’avance.


Notre Eglise traverse un moment de trouble. Nous sommes face à un choix que je qualifierais de choix de civilisation. Il y a peu, notre délégation a rencontré des fidèles du Nord de Lordaeron, épargnés de l’annihilation par le Fléau grâce à la Croisade Ecarlate, à laquelle ils ont appartenu, bien que cela soit de l'histoire ancienne. En effet, cet ordre damné, qui a versé dans le fanatisme, la paranoïa et la folie furieuse a protégé, durant des années, une partie des survivants de Lordaeron. Il ne s’agit nullement de rendre grâce, ou de justifier tant de morts inutiles, de pertes tragiques, et d’abominables crimes au nom de la survie d’une partie d’un peuple, mais d’expliquer pourquoi l’Eglise arrive face à un choix inévitable.


Nous avons le choix, en effet. Nous pouvons murer nos cœurs, barricader nos consciences, et décider que nous n’avons rien à faire avec des fidèles, prêtres et paladins qui ont par le passé, fait des choix funestes, parfois par idéologie, parfois parce qu’ils étaient poussés par cette hargne, cette rage de vivre qui fait tant de bien à la race humaine, et nous permet de triompher des pires épreuves depuis notre venue sur ce monde.


Cependant, nous pouvons également refuser d’abandonner une nouvelle fois ces gens, accepter de leur tendre la main pour briser la spirale infernale du repli qui les conduira forcément vers de nouveaux abîmes et fanatismes. Nous pouvons avoir de la Compassion, et de la générosité, envers ceux qui ont vu leur vie balafrée par le Mal, démolie par des puissances dont nous n’avions même pas idée de l’existence.


Hier, nous avions une excuse, nous étions trop faibles pour les sauver, impuissants face à la mort de ce Royaume – Frère. Désormais, je vous demande de me faire confiance, car jamais je ne leur donnerais les clefs de la Cathédrale, ou du Diocèse, comme certains le laissent entendre, manipulés par leurs propres peurs. La seule clef qu’ils auront entre les mains sera celle de leur propre cœur, pour accéder à la rédemption, petit à petit, déverrouiller leur esprit, s’ouvrir à la diversité, et faire avec nous de ce monde une terre ou il fait un peu mieux vivre pour les vivants. Et c’est parce que je crois à tout cela que je pense ce rapprochement nécessaire, dans le simple but de les aider à développer leurs propres structures, qui n’auront jamais d’influences sur les nôtres. Il n’y a pas plus fier qu’un habitant de Lordaeron, jamais ils n’auront la volonté de venir dans le sud revendiquer un quelconque pouvoir, car s’ils ont subi tant de malheurs dans le Nord, c’est bien pour y rester !


N’écoutez pas les oiseaux de malheur, et croyez en le pouvoir de la Lumière, qui peut ouvrir les cœurs et les esprits, et briller à nouveau en ces terres d’où elle avait été bannie par de lourds nuages de peste puis d’écarlate. Aujourd’hui, la vie renaît là-bas, la Main d’Argent a apporté la paix avec elle, et nous tenons une chance unique d’accompagner ces fidèles de Lordaeron vers leur propre destin, et d’avancer vers la Lumière.


J’entends les craintes, les inquiétudes. Cependant, la rédemption est une démarche que seul le fautif peut mener. S’ils ne donnent rien, ne prouvent pas leur sincérité, ils n’auront rien de nous, et nous ne les accompagnerons pas. Souvenez-vous cependant que l’Eglise n’est pas un tribunal. Là ou le juge punit, le prêtre a la tâche ingrate d’amener vers la rédemption. Jouons notre rôle, ensemble, et de grâce, soyons unis.


Que la Lumière vous guide,


Eudes Bonefoy
Evêque de Hurlevent.